pierre-french-divide-2021

Pierre un loup sur la French-Divide 2021

Pierre Lejeune nous raconte l’aventure folle d’un loup sur la French-Divide 2021. Une épreuve VTT de 2240 km en autonomie, en suivant une trace .gpx et un suivi en ligne via un tracker GPS fixé au vélo. Sur le parcours 3 Control Point (CP), une barrière horaire : 14 jours, regroupant 129 partants et seulement 30% a l’arrivée !

Début-Fin / temps de déplacement / Distance / Dénivelé.

Jour 1 – Samedi 07

7h35-21h20 / 11h40min / 205 km / 1073 D+

Moral : c’est tellement dingue d’être entouré de fous de vélo. Après des mois de préparation , c’est le grand départ.

Ride : Ne pas se bruler !!! pas facile avec une telle excitation… du vent dans le nez non-stop.

Météo : ça pourrait être bien pire.

Trace : route, quelques chemins et déjà la boue, une boue bien spécifique au pays, qui colle bien 😊

Rencontre : Brice, Sylvie.

Bivouac : Avec Brice dans un champ avant le Quesnoy au top, juste quelques gouttes pendant la nuit.

Géographie : on est dans le département du Nord, Dunkerque, Lille, Valencienne.

Jour 2 – Dimanche 08

4h48-21h08 / 12h08min / 188 km / 1873 D+

Moral : on commence à réaliser l’ampleur du chantier, on atteindra le CP1 en soirée l’occasion de faire connaissance avec de nouveaux compagnons d’aventure…

Trace : De plus en plus de chemins et de la boue comme jamais !!! notamment en forêt de Mormal qui restera gravée dans la tête de beaucoup de Divider et qui aura raison de tellement de dérailleurs, chaînes et boitier de pédalier…

Ride : Le vélo est parfait pour les conditions, je m’amuse comme un enfant au milieu de cet environnement hivernal de Mervent !!! et toujours ce vent dans le nez !

Météo : En milieu d’après-midi on prend un gros orage, qui rajoute un peu de « fluidité » à cette boue en constante mutation.

Rencontre : Noé, Florian en fin de journée au CP1 de Laon.

Bivouac : à 4 en forêt après Laon.

Géographie : On passe dans le département de l’Aisne, au sud-ouest de Maubeuge.

Jour 3 – Lundi 09

5h58-22h05 / 13h / 180 km / 2419 D+

Moral : On ne le sait pas encore, mais c’est la première étape suffisamment dimensionnée pour aller au bout, avec pour moi un premier coup dure avant la « montagne » de Reims, le positif est que ça passe et du mieux sur la fin de journée.

Trace : Enfin du D+, des chemins, des vignes… en deuxième partie de journée on traverse de la « plaine » avec des cultures à perte de vue, on roule sur des chemins de graveleux, au milieu d’immenses engins agricoles, ambiance d’une autre planète.

Météo : beau.

Rencontre : Je roule une bonne partie de la journée avec Noé qui se refait une santé après un départ trop rapide, il me quittera en milieu de journée pour arriver avec plusieurs jours d’avance.

Moment : En fin de journée on se retrouve dans un village autour d’une pizza, avec les basques, Céline et Jacques, Florian, Julien etc…

Bivouac : Seul dans cette immensité de culture, où trouver un endroit plat avec de l’herbe sans un tas de fumier relève de la trouvaille, le bivouac sera une nouvelle fois au top 😊

Géographie : A proximité Reims et Chalon, on est dans la Marne.

Jour 4 – Mardi 10

7h03-00h05 / 12h / 185 km / 1857 D+

Moral : Je « loupe » l’heure pour commencer, et après quelques km, je sens du jeu dans mes manivelles, au niveau de l’axe de pédalier, et du bruit !!! pas bon du tout.

Après analyse mes manivelles se sont desserrées, mais ce n’est pas tout, les roulements ont pris également du jeu, c’est les seuls éléments que je n’avais pas remis à neuf, c’est l’angoisse.

Je m’arrête à Vitry-le-François, le « vélociste » me dit qu’il ne peut rien pour moi, mais il me fournit ce dont j’ai besoin sur le trottoir : Graisse blanche, chiffon, dégraissant frein, frein filet faible, clefs BTR et surtout il trouve dans le fond d’un de ses tiroirs une vis d’axe de pédalier compatible car j’ai maté l’empreinte de la mienne avec le multi-tool. Démontage complet des roulements, retrait des flasques, nettoyage, et regarnissage à la graisse blanche, la boue s’était infiltrée partout. Il y a du jeu dans les roulements, mais la fixation des manivelles est maintenant conforme, c’est reparti avec l’angoisse… tous les bruits auront disparu sous 5 jours… ça tiendra jusqu’à l’arrivée.

Trace : pas de souvenir, roulant j’imagine.

Météo : beau.

Rencontre : Au soir je me fais rattraper par Ghislain et Pascal, ils sont partis le dimanche, c’est une autre « catégorie », ils avancent, ne dorment pas, justement, je suis en retard. Le hasard de leurs ennuis mécaniques va faire que nous allons rouler deux journées ensemble, une superbe rencontre.

Bivouac : Je trouve un petit porche dans un village avant Tonnerre, une courte nuit : ce n’est pas le moment de lâcher.

Géographie : Département de la Marne, l’Aube et l’Yonne passage à l’est de Troyes, il commence à y avoir quelques bosses sur la fin.

Ambiance : magique de rouler la nuit…

Jour 5 – Mercredi 11

5h57-23h34 / 12h38min / 153 km / 2900 D+

Moral : Bon, je roule avec Pascal et Ghislain, on avance lentement mais de façon régulière, je suis en train de découvrir comment se passe une divide quand on est « bon ».

Trace : On arrive progressivement dans le massif du Morvan, youpi tralala…

Météo : parfaite.

Rencontre : A l’arrivée à Chablis, je croise Céline et Jacques, je rencontre François, on roulera très souvent ensemble dans les jours suivants.

Aventure : Après Avallon, je roule avec Ghislain et Pascal tout est parfait, et soudain, une branche éjecte mes lunettes dans les airs !!! mes seules lunettes. Les Gars commencent à chercher, on est sur un chemin avec de la végétation partout, c’est un cauchemar. On analyse les trajectoires, Ghislain organise une zone de recherche avec un carré chacun, etc… je nous donne 10 min après je me démerderai seul, c’est sans assistance. A un moment donné, Pascal retourne à son vélo à 3m ou 4m de là. Il les trouvera par hasard à coté de sa roue arrière, il m’a sauvé !!!!

Le soir au CP2 à Quarré-les-Tombes, on retrouve toute le bande, Julien décide de repartir avec François et moi vers une sorte d’hôtel au bord du lac de Saint-Agnan.

La jonction Quarré -> Saint-Agnan je la connais bien pour y être passé avec Lala en 2020, c’est une section de dingue avec du portage et des passages bien chauds jusqu’à un prieuré, nous y passons de nuit, avec Julien en mode zombie, François et moi un peu fatigués aussi. Le temps s’étire, Julien avance très difficilement, mais il est déterminé, c’est sa deuxième divide, il a abandonné la première sur pépin mécanique, il donne tout pour rester dans le timing…

Géographie : On est dans l’Yonne, Tonnerre, Chablis, Avallon, Quarré-les-Tombes le CP2.

Jour 6 – Jeudi 12

8h08-21h08 / 8h49min / 108 km / 2035 D+

Moral : Difficile le démarrage, je suis en mode récup des 4 dernières jours et le dernier à quitter l’hébergement après un petit dej bien copieux.

Physique : Mes genoux posent problème, je ne tiens pas assis plus de 10 min. J’ai des difficultés à soulever mon pied gauche, ce qui gêne au passage du point haut lors du pédalage.

Avant le grand départ, David B avait constaté que ma selle était un peu basse par rapport à la théorie, et conseillé de voir à l’usage. Je remonte donc la selle de 4mm -> à partir de ce moment les choses iront de mieux en mieux coté genoux, merci David !!!

Trace : On est vraiment dans le Morvan, même si Sam nous épargne quelques difficultés.

Bivouac : on tombe sur une cabane : une expérience à vivre, on s’y installe pour la nuit avec François.

La journée n’aura pas été suffisamment « productive », nous sommes en retard sans le savoir, les prochains jours seront décisifs.

Géographie : Traversée de la Bourgogne, arrivée dans la Saône et Loire. Passage à Autun.

Jour 7 – Vendredi 13

5h00-21h03 / 11h23min / 165 km / 1909 D+

Moral : Tranquille pépère, en route pour l’étape de transition.

Physique : ????

Trace : du plat, du monotone, limite « chiant » …

Rencontre : Juste François et moi, ça discute sec.

Bivouac : Dans les vignes, montage du tarp, encore une nuit de rêve jusqu’à 4h du mat.

Une étape toujours trop petite malgré les 11h20 de pédalage.

Géographie : On traverse l’Allier, passage à Moulins.

Jour 8 – Samedi 14

5h08-22h09 / 12h45min / 135 km / 3145 D+

Trace : A partir du km 80 on attaque la chaîne des puys c’est du sérieux avec du D+ à gogo…

Moral : Le matin j’ai la pèche, je pars seul devant, petit arrêt boulange, vite fait et j’avance, je file…

Météo : il fait chaud très chaud.

Sommeil : deux matins levés à 4h du mat c’est trop pour moi, je me pose pour une sieste, après 10 min, François m’a rattrapé, mon « échappée » aura été de courte durée. On poursuit la journée ensemble.

Bouffe : je termine mon fond de sac, pâté, cacahuète, et gel à la mangue pour le dessert… il fait une chaleur de dingue, et plus rien à manger.

Aventure : on poursuit l’enfilade de la chaîne de puys, jusqu’à Vulcania où l’on rêve d’un vendeur de quelque chose sur le parking… rien nada. Il est 17h30, on est à 27 km du prochain commerce qui ferme à 19h !!!  On est large on a le temps, mais bon. Chute de François, crevaison pour moi, D+ de dingue, plus on avance, et plus l’objectif s’éloigne. On arrivera à 18h50 après avoir vidé les dernières miettes de nourriture, c’était chaud. En prime on trouve un camion à pizza, c’est festival.

Rencontre : Un Divider 2020, blessé l’an dernier à la suite d’un accident sur le parcours, super échange, il nous annonce que normalement la deuxième semaine se passe mieux coté physique.

Bivouac : Dans un petit village au milieu des volcans, vers 22h, on croise deux dames, on demande si la petite place en pierre est publique : on finira dans une buvette, avec électricité, sanitaire, et abri pour la nuit. Mille mercis à elles.

Géographie : Entrée dans le Puy-de-Dôme, passage à proximité de Clermont-Ferrand, Vulcania, Orcival, Mareuge et sa buvette associative.

Ambiance : L’une des plus belles périodes de ce voyage, les levés et couchés de soleil à rouler en silence, des moments de liberté totale, des moments nature, des moments au milieu de l’immensité, des moments parfaits pour toujours…

Jour 9 – Dimanche 15

5h23 – 21h09 / 12h / 144 km / 3165 D+

Trace : on est bien dans le parc régional des volcans d’auvergne… c’est le paradis.

Moral : je décide de rester avec François aujourd’hui, même si le rythme est bas, on avance régulièrement. En milieu de matinée, son dérailleur dysfonctionne, je le laisse pour qu’il répare, je poursuivrai seul pendant presque deux jours.

Le paysage : à couper le souffle, passage à Besse, massif du Sancy et on enchaine avec le Cantal, direction Aurillac avec le passage du Puy Mary point culminant de la trace à 1584 m.

Je trouverai du ravito dans un bar qui me prépare 4 énormes sandwichs jambon fromage, ils me porteront jusqu’à Aurillac le lendemain matin.

Nuit : dans un camping nul… ☹.

Jour 10 – Lundi 16

6h47 – 23h36 / 13h42min / 162 km / 3164 D+

Moral : Difficile, je me lève encore trop tard, le matin on prend la pluie, le D+ est déjà important. Les copains l’ont senti, je reçois plein de messages d’encouragement, je réalise la chance que j’ai d’être là, je suis seul mais l’émotion est énorme, et ne pas profiter serait un crime… GOGOGO… Loïc a posé le cadre, j’ai 300 km avec 6000 ou 7000 D+ à faire en deux jours pour rejoindre le CP3, ça passe ou ça casse.

Trace : La trace est dingue avec le passage dans les gorges de la Cére et ses 12 km à flan de ravin, ses petits aménagements en bois, merci Sam pour cette trace !!! Rocamadour et la suite, on est sur le GR46 les chemins de Compostelle.

Physique : ça tient, ça va même plutôt bien !!!

Rencontre, je retrouve François après Rocamadour.

Bivouac : Préau d’école, trop la classe !!!

Géographie : Aurillac -> Montfaucon on passe du Cantal au Lot, au sud-est de Brive la Gaillarde.

Jour 11 – Mardi 17

6h37 – 23h03 / 13h07min / 151 km / 3358 D+

Moral : Au taquet, objectif CP3, je commence par un peu de mécanique avec le remplacement des plaquettes de frein.

La trace : ils l’avaient annoncé c’est la section la plus difficile de cette Divide.

Physique : ça tient toujours.

Stratégie avancer de 10 km toutes les heures pendant 15h, il m’en faudra 16.

Souvenir : ce sera le moment le plus engagé de cette épreuve, du technique en montée comme en descente, quasi pas de goudron, mon vélo est parfait pour ce terrain : que du plaisir.

Les dernières heures se feront en mode raid, gros souvenir du trek des Dentelles avec les loups l’an dernier.

A l’arrivée au CP l’équipe média et le resto m’ont attendu, ils m’accueillent, nous passerons la soirée ensemble, vraiment un super moment avec les pâtes au foie-gras + jambon. J’ai réussi, il ne reste plus qu’a terminer… ils me diront plus tard que j’avais vraiment une tête détruite, qu’ils n’avaient pas mis une pièce sur moi pour une arrivée ce mardi.

Géographie : passage à l’est de Cahors et Montauban dans le Lot et le Tarn.

Jour 12

7h10 – 22h06 / 11h40min / 171km / 2562 D+

Moral : il faut relancer la machine après cette arrivée qui n’en était pas une. Je suis seul, mais les copains ne sont pas loin devant.

Physique : Le corps s’est adapté ça y est, il n’y a plus qu’à avancer.

Bivouac en forêt de Auch avec réparation de matelas en pleine nuit.

Géographie : Passage au nord de Toulouse, en Haute Garonne et Gers.

Jour 13

7h30 – 22h30 / 11h42 / 160 km / 2539 D+

Moral : J’ai reçu le texto dans la nuit, François a abandonné : épuisé. De mon côté le doute s’installe, il reste 225 km c’est peu et beaucoup en même temps. Une fois de plus les copains ont senti le doute, je reçois une avalanche de messages, yoyo entre en scènes, merci à eux, ils me remettent en forme.

De l’étape passée seul je ne me souviens que de l’arrivée à Lourde, de la pizza avec les copains et du Gave de Pau, souvenir des sessions kayak. L’arrivée est déjà là…

Jour 14

5h43 – 22h50 / 13h30 / 177 km / 3238 D+

Zenitude complète, un beau moment de partage avec Jacques, Céline et Olivier, pour ce dernier jour, l’aventure va se terminer, l’émotion de l’arrivée ne viendra pas, j’attends la 21éme section… le retour en Vendée. L’émotion, je pense qu’elle s’est diluée tout au long de ces 14 jours, dispersée aux 4 vents, des levés et couchés de soleil, des chemins, des rencontres… des petits mots d’encouragement affichés sur le bord de la route, des bravos venus d’une voiture que l’on croise, des « aller » soufflé d’une fenêtre que l’on dépasse. De l’épicière pour son attention particulière, de ces réactions interloquées, de ces questions qui nous rendent fier, l’émotion elle est partagée avec ceux qui m’ont suivi, « accompagné », soutenu par message tout au long de cette belle aventure.

Il y a bien évidement la question du pourquoi prendre le départ d’une telle épreuve ? Je pensais que l’arrivée allait me donner la réponse, j’ai loupé… j’ai une énorme pensée pour les copains arrêtés en route, l’arrivée n’est pas la fin…

FIN.

Articles les plus aimés